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Par Matthieu Jeaumeau et Gabriel Delesalle le 7 octobre 2018
Le rapport sur le continuum de la sécurité remis le mardi 9 septembre au Premier ministre Edouard Philippe par les députés LaREM Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot préconisant le port d’armes pour les agents de sécurité privée et les policiers municipaux a suscité une polémique pour le moins intense, tant sur la scène médiatique que dans les coulisses des mondes politique et juridique. En effet, conformément à l’article 511-5 du Code de la sécurité intérieure actuellement en vigueur, le port d’arme est une exception à la règle pour les policiers municipaux, et la procédure pour déroger à cette règle est stricte. Suivant le rapport mentionné, un policier municipal ne porterait une arme qu’uniquement sur « demande motivée du maire ».
Cette hypothèse fait polémique et afin d’apporter des éléments de réponse, deux citoyens français, Monsieur X et Madame Y, ont accepté de débattre autour de la question suivante :
Madame, Monsieur, que pensez-vous de la proposition de port d’arme obligatoire pour les policiers municipaux ?
Merci à eux pour leur participation anonyme.
[Monsieur X :]
Précisons déjà la question : devons-nous, en tant que citoyens français, voir les policiers municipaux, c’est-à-dire les garants du maintien de l’ordre public, porter des armes ? Quoique discutable, la réponse me semble assez nette : il apparaît, au vu du contexte géopolitique actuel, que la sécurité en France est gravement compromise. Le terrorisme menace, il n’est plus à nos portes, mais dans nos murs : inutile de rappeler les évènements de 2015. Le besoin est palpable pour nos agents d’assurer une sécurité de plus en plus mise à mal, et il me semble que les procès-verbaux ne combleront pas le temps que met l’armée à arriver sur les lieux de l’attentat : ces policiers municipaux sont à la fois les plus proches du danger et les plus démunis face à lui. Nous sommes en État d’urgence, et il me semble que c’est un moindre mal pour un grand bien d’abandonner quelques mesures libérales au nom d’un intérêt plus pressant.
[Madame Y:]
Il me semblerait plutôt que le port d’armes pour les policiers municipaux et les agents de sécurité privée ne ferait que nourrir un sentiment d’insécurité, sentiment qui est lui-même un fléau. Et le contexte du terrorisme montre plutôt qu’il vaut mieux s’unir pour la paix que se craindre les uns les autres en voyant le canon d’un pistolet à chaque coin de rue. Justement, une mesure telle que celle proposée par Monsieur Fauvergue, ancien chef du RAID et Madame Thourot ne serait que purement cosmétique, et ne résoudrait pas le moindre problème face au terrorisme : qu’est-ce qu’un pistolet de policier peut entraîner face à des armes placées dans des mains autrement plus redoutables ?
[Monsieur X :]
La question n’est pas que celle du terrorisme ; les quartiers difficiles sont légion en France, et le regain d’une autorité qui en est quasiment absente ne serait pas inutile. Quel autre moyen que celui d’armer les personnes les plus concernées, les policiers municipaux ? Force est de constater que la police nationale ne suffit plus. Il y a une crise de l’autorité en France, et armer les policiers municipaux serait la manière la plus sage de pallier ce problème. Il nous faut redorer le blason de la police municipale, affirmer son autorité, son caractère coercitif.
[Madame Y:]
A cette crise de l’autorité, je répondrai qu’il existe avant tout une crise de confiance en France : une crise de la confiance dans le gouvernement et l’administration. Il suffit de voir le tollé provoqué par les débordements policiers ayant eu lieu lors des manifestations du printemps dernier. Ce serait une erreur considérable de la part du gouvernement que de se lancer dans l’adoption de telles mesures d’armement, une bonne partie des jeunes générations est prête à se mobiliser au nom d’une liberté qui fait souvent défaut, face à un accroissement de l’autorité en France ; et l’armement des policiers municipaux ne serait sans doute pas une solution pérenne.