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Par Manon Dalloyau le 9 novembre 2018
« Ce n’est pas n’importe quel balai, Harry ! C’est un Nimbus 2000 ! ». Si vous avez lu cette phrase avec la voix de Ron Weasley, ou que dès que vous arrivez à la page 394 d’un livre vous pensez à Severus Rogue, il y a des chances pour que cet article vous intéresse.
Avec sept livres, huit films, un parc d’attraction, un spin-off avec « Les animaux fantastiques », le fils de papier et l’univers de J.K Rowling en ont conquis des cœurs… Même ceux des juristes !
Après l’université de Durham (Angleterre), c’est l’université des sciences juridiques de Calcutta (Inde), qui propose désormais des cours de droit basés sur les livres de la saga Harry Potter. Le cours « An Interface Between Fantasy Fiction Literature and Law : Special Focus on Rowling’s Potterverse » [« Une interface entre la littérature de fiction fantastique et le droit »], créé par Shouvik Kumar Guha, sera dispensé à quarante étudiants sélectionnés par concours dès décembre 2018. Quelques conditions sont à remplir pour avoir la chance d’assister au cours : parmi celles-ci, il y a celle d’avoir déjà lu tous les livres au moins deux fois, sinon plus.
L’objectif de ce cours est de se servir de l’univers de J.K Rowling, de le mettre en parallèle et de l’étudier sous le prisme de la société indienne
L’objectif de ce cours est de se servir de l’univers de J.K Rowling, de le mettre en parallèle et de l’étudier sous le prisme de la société indienne. Pour Shouvik Kumar Guha, interrogé par « The Guardian », il s’agit d’aider les étudiants « à réfléchir davantage lorsqu’ils seront confrontés à de tels scénarios dans le monde réel ». Ainsi, la marginalisation et l’esclavagisme des créatures fantastiques, comme les elfes de maisons [ndlr : même si Dobby est, et sera toujours un elfe libre !], la discrimination subie par les loups-garous et les centaures, en passant par le traitement réservé à Sirius Black envoyé à la charmante prison d’Azkaban pour des crimes qu’il n’a pas commis, ou encore l’usage de la presse via « La Gazette du sorcier » pour faire de la propagande, seront des éléments étudiés.
La discrimination, la torture, l’esclavage présents dans la fiction et dans la réalité, permettront selon l’enseignant de faire prendre consciences aux élèves des problèmes sociaux en Inde. En se servant des principes juridiques des sorciers britanniques, il espère faire avancer les mentalités dans son pays. « En Inde, à l’heure actuelle, la situation politique est source de division » déclare Shouvik Kumar Guha au journal britannique, « J’ai mes propres tendances politiques, mais il serait inapproprié de les appliquer en classe. J’essaie donc d’utiliser quelque chose sur lequel nos étudiants n’auront aucun jugement de valeur préalable ».
En attendant qu’un tel cours fasse son apparition en France, nous allons devoir nous contenter de lire, relire ou re-relire les livres, voir, revoir ou re-revoir les films, pour se rendre compte, que ce professeur de droit civil qui nous répétait d’un ton passionné que « le droit est partout autour de nous », avait raison. Du droit, dans la saga Harry Potter, il y en a !
Vous ne me croyez pas ? Très bien. Comment fonctionne le Magenmagot, le tribunal des sorciers ? Le Ministre de la magie, semble pouvoir y siéger, comme on le constate lors du procès de Harry Potter dans l’affaire des Détraqueurs à Little Whinging.

Quant à l’usage du polynectar, cette potion permettant de prendre l’apparence de quelqu’un, cela ressemble assez bien à de l’usurpation d’identité. Et les fantômes ? Quel est leur statut juridique ? Ils sont morts, mais toujours présents, ils peuvent enseigner comme en atteste le soporifique Monsieur Binns.
Je ne vous ai toujours pas convaincu ? Et si on parlait de la place des droits et libertés fondamentaux dans la société sorcière britannique ? Les sorciers semblent en effet avoir une vision un peu « archaïque », et certains faits, mis en lumière et étudiés sous notre droit, peuvent faire tiquer. Nous prendrons par exemple l’emprisonnement de Sirius Black à Azkaban pour le meurtre de douze moldus et de Lily et James Potter. Pour rendre la chose plus ludique, voici une illustration faisant intervenir Hermione, Harry et Ron, en espérant qu’ils vous convaincront définitivement que magie et droit, ne sont pas incompatibles.

Les adultes s’étaient installés dans le salon des Potter, ils discutaient, tout en surveillant les enfants, en train de jouer dans le jardin. Pour autant, Hermione avait la tête ailleurs…
– Tu es bien pensive ! remarqua Harry.
– J’ai une tonne de travail en ce moment, se plaignit-elle. Je réfléchis aux réformes en cours… Elles permettront aux sorciers d’éviter de répéter certaines erreurs !
Harry et Ron se lancèrent un regard entendu : l’ancienne Gryffondor venait tout juste d’être nommée à la tête du Département de la Justice Magique et prenait son nouveau rôle très à cœur.
– Tous les sorciers auront droit à un procès équitable …
– Parce que ce n’est pas déjà le cas ?
– Sirius n’en a pas eu, murmura Harry. Je ne sais pas si les sorciers ont clairement établi ce droit…
– Exactement Harry ! Les moldus l’ont fait en 1679 eux ! J’ai étudié cette ordonnance, l’Habeas corpus, qui énonce une liberté fondamentale, celle de ne pas être emprisonné sans jugement.
Le parrain de Harry avait passé treize ans à Azkaban, pour le meurtre de ses parents et de moldus. Des meurtres qu’il n’avait pas commis… Sirius Black avait été interpellé sur le lieu du crime des Potter, et les aurors en avaient déduit qu’il en était l’auteur. Sirius avait été arrêté, puis emprisonné, sans procès.
– Sirius était présumé coupable.
– Désormais, chaque sorciers aura droit à ce que sa cause soit entendue, et à un procès équitable ! Il n’y aura plus d’arrestation ou de détention arbitraire (1) ! La culpabilité devra être établie. Je me suis inspirée de la Convention européenne des droits de l’Homme …
– La « quoi » ? fît encore Ron.
– C’est une convention moldue, qui garantit des droits aux parties d’un procès. Sirius aurait dû en avoir un, pour avoir le droit de se défendre ! Au lieu de ça, on l’a condamné et forcé à vivre dans cet endroit affreux !
Ils frissonnèrent tous, en songeant à Azkaban.
– D’ailleurs, je compte bien remédier aux conditions de vie à Azkaban. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur ce qu’infligent les détraqueurs aux détenus…
Harry approuva, d’un bref mouvement de tête.
– Ils subissent une douleur mentale constante, vivent dans l’angoisse … Les détenus n’ont pas à subir ce genre de traitement inhumain (2).
Le pouvoir maléfique des détraqueurs permettait à ces créatures de se nourrir des sentiments heureux des prisonniers afin de ne leur laisser que le désespoir, rendant les détenus faibles et malheureux. C’était une forme de torture qui rendait fou la plupart des détenus… Hermione était déterminée et pouvait compter sur le soutien de son mari, et de son meilleur-ami.
Tout irait mieux …
(1) CEDH Article 6
(2) CEDH Article 3

La présence du droit est indéniable dans la science-fiction, il suffit parfois simplement de la chercher ! On peut trouver du droit partout, dans la rue, dans les livres, dans les séries. C’est peut-être une forme de paranoïa, qui sait ? Mais le fait est, qu’on peut faire du droit sur et avec presque tout. C’est de cette manière que le lundi 5 novembre, le procès de Voldemort, organisé par la Fédération Francophone de Débat, s’est tenu, et qu’à la surprise générale, il a été acquitté. Oui. Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom a été acquitté.
Le droit est une matière bien étonnante… Elle est sûrement bien ici, la magie du droit !