élections américaines : pourquoi tant d’attente avant le résultat ?

© Tiffany Tertipes sur Unsplash

Par Mona Riou le 7 novembre 2020

Le 3 novembre dernier, date officielle des élections présidentielles américaines, le monde retenait son souffle dans l’attente de la réponse à la question : Donald Trump reste-t-il le dirigeant du monde libre ?

Pourtant, quatre jours après, à la rédaction de cet article, nous ne connaissons toujours pas la réponse à cette question. En France, le suffrage universel direct et le vote à l’isoloir nous permettent d’avoir une réponse le jour même, à la clôture des bureaux de votes. Aux Etats-Unis, le système est différent et légèrement plus complexe. Voyons cela ensemble.

Les grands électeurs

Les Américains, depuis la formation même du pays, sont très attachés à leur système électoral. Ses racines se trouvent dans les relations entre les treize colonies ayant formées les Etats-Unis d’Amérique et leurs rapports parfois conflictuels avant l’accord final ayant formé la Constitution de 1787.

Le vote se fait, par un scrutin indirect, pour le collège électoral de leur Etat. Chaque Etat sera donc gagné par l’un des deux majeurs partis : démocrate ou républicain. Le parti qui gagne l’Etat gagne le nombre de grands électeurs associé.

il est possible à toute personne de se présenter aux élections présidentielles [on pensera au très connu Kanye West]. Toutefois, le coût d’une campagne est si élevé, qu’il est impossible de gagner sans le soutien de l’un des deux plus grands partis

NB : il est possible à toute personne de se présenter aux élections présidentielles [on pensera au très connu Kanye West]. Toutefois, le coût d’une campagne est si élevé, qu’il est impossible de gagner sans le soutien de l’un des deux plus grands partis.

Voici un exemple d’un bulletin de vote pour une élection présidentielle aux Etats-Unis. Ici, c’est un bulletin pour les présidentielles de 2016 à Milwaukee, Winsconsin :

Les Etats qui ont le plus de grands électeurs sont la Californie (55), le Texas (38) et New York et la Floride (29). Les Etats ayant le moins de grands électeurs en ont trois comme le Wyoming, l’Alaska ou le Montana.

Ces grands électeurs sont élus pour un mandat impératif, c’est-à-dire que ce sont des individus élus pour mener une action définie dans la durée et dans la tâche, selon des modalités précises auxquelles ils ne peuvent déroger. Autrement dit, ils ont une seule mission : désigner le président. 

Cette année, la course est serrée. Joe Biden, candidat démocrate, a remporté la Californie (65.3%), New York (58.3%) et l’Illinois (55.2%). Donald Trump, candidat républicain, a quant à lui remporté le Texas (52.2%), la Floride (51,2%) et l’Ohio (53.3%), pour ne citer que les plus grands Etats. 

© CNN https://edition.cnn.com/election/2020/results/president?iid=politics_election_bop

A l’heure où cet article est rédigé, Biden comptabilise donc les votes de 253 grands électeurs contre 213 pour Trump.

© CNN https://edition.cnn.com/election/2020/results/president?iid=politics_election_bop

Le média américain CNN a fait ses projections et publie les résultats sur un site très bien fait et interactif : https://edition.cnn.com/election/2020/results/president?iid=politics_election_bop

Le vote par correspondance

Cette année, la pandémie mondiale qu’il est désormais inutile de nommer, a forcé les pouvoirs publics à booster leurs campagnes de « vote-by-mail », à savoir le vote par correspondance. 

Depuis des dizaines d’années, le taux d’abstention est très élevé pour des élections présidentielles. En 2016, la participation était de 54.2%, de 54.9% en 2012 et de 57.1% en 2007, lors de la première élection de Barack Obama – un record depuis 1968 (60.7% de participation pour l’élection de Richard Nixon).

Les enjeux étaient donc particulièrement importants cette année, surtout pour l’opposition aux Républicains, qui refuse de voir Donald Trump à nouveau élu par tout juste la moitié de la population américaine.

Récemment, le Wisconsin a annoncé la victoire de son opposant, de manière inattendue car la progression des résultats des votes a longtemps joué en faveur de Trump

A contrario, le président actuel est publiquement opposé à cette méthode de vote et accuse les démocrates de vouloir truquer les votes – sans jamais apporter de preuves concrètes de fraudes – pour le sortir de la Maison Blanche. Récemment, le Wisconsin a annoncé la victoire de son opposant, de manière inattendue car la progression des résultats des votes a longtemps joué en faveur de Trump. Cela a entraîné une vague d’indignation, par le Président lui-même, sur les réseaux sociaux et notamment sur Twitter.

Le manque d’uniformité fédérale

Mais alors, pourquoi ne connaissons-nous pas encore les résultats ? 

des dates différentes pour le début des votes en personne, pour demander un bulletin de vote afin de voter par courrier, pour la réception des bulletins…

Vous n’êtes pas sans savoir que les Etats-Unis ont une organisation fédérale. Chaque Etat dispose d’une autonomie et d’une souveraineté, présenté par son Gouverneur. Ainsi, chaque Etat a élaboré ses propres règles concernant l’organisation des votes et du comptage. Ils ont donc des dates différentes pour le début des votes en personne (certains Etats autorisant les votes en avance pour désengorger les bureaux de vote), pour la date limite pour demander un bulletin de vote afin de voter par courrier, pour la réception des bulletins, etc. Par exemple, bien que le Nevada soit largement moqué sur les réseaux sociaux pour leurs délais pour annoncer le vainqueur dans leur Etat, le dernier Etat à donner un décompte final pourrait être l’Alaska qui ne commencera pas à compter les bulletins de vote envoyés par la poste ou les bulletins de vote déposés en personne après le 29 octobre avant encore quelques jours.

Les autres facteurs de retard

Les élections américaines font donc l’objet de beaucoup de moquerie sur les réseaux sociaux pour leur impressionnant retard dans ce décompte des votes. D’autant plus que certains de ces retards sont causés par des complications pour le moins originales quand on connaît l’enjeu derrière ces élections. En Géorgie, une fuite d’eau a retardé le décompte pendant qu’en Louisiane les bureaux de votes ont dû être déplacés car ils n’avaient pas de générateur électrique. Dans l’Iowa, les bulletins étaient imprégnés de gel hydroalcoolique ce qui rendait leur lecture impossible par les lecteurs automatiques. 

Lorsque l’on a posé à Donald Trump la question « engagez-vous à procéder à un transfert en paix du pouvoir ? », il a répondu « Well, we’re going to have to see what happens », ce qui peut se traduire par « et bien, nous allons devoir voir ce qu’il va se passer ». 

Les résultats pourraient-ils être alors retardés s’ils étaient contestés par le perdant ? Jusqu’à présent, aucun président américain n’a refusé sa défaite. Le cas le plus complexe était en 2000, lors des élections qui ont opposé A. Gore (démocrate) à G. Bush (républicain). Le candidat démocrate a été jusqu’à la Cour Suprême à propos du résultat des votes en Floride. Après trente-six jours sans résultats définitifs, la victoire fut officielle pour le président Bush. Ça a été la plus longue période que les Etats-Unis ont connu sans président. 

L’article 2 alinéa 1 de la Constitution américaine dispose que le mandat présidentiel est de quatre ans. Ainsi, si un président refuse de quitter son siège à la Maison Blanche, cela le placera immédiatement en position d’inconstitutionnalité et violerait plusieurs lois anti-conspirationnistes. Les leaders des partis doivent alors rendre visite au mauvais perdant pour le convaincre de s’avouer vaincu. C’est d’ailleurs ce genre de visite qui a poussé le Président Nixon à la démission en 1974.

En cas de persistance, le « mauvais perdant » pourrait être accusé de conspiration (« Treasonous conspiracy under the Constitution ») et il est prévu à l’article 18 alinéa 2381 du Code des Etats-Unis (https://www.law.cornell.edu/uscode/text/18/2381) que « Quiconque, en raison d’allégeance aux États-Unis, lève la guerre contre eux ou adhère à leurs ennemis, leur apportant aide et réconfort aux États-Unis ou ailleurs, est coupable de trahison et subira la mort, ou sera emprisonné au moins cinq ans et une amende sous ce titre mais pas moins de 10 000 $; et sera incapable d’exercer une fonction quelconque aux États-Unis. » (traduction faite par Google Traduction).

Il est donc raisonnable d’espérer qu’une telle situation ne soit que de la fiction. 

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