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Par Jérémi Nathan le 13 novembre 2018
J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer Bertrand Vendé, avocat spécialiste en droit public. Je me suis intéressé au métier d’avocat au delà des simples aspects technique et juridique. Qui est l’avocat? Comment exerce-t-il son métier?
A quelle charge de travail doit faire face un avocat?
Si je ne travaille pas, je ne gagne pas d’argent : il faut tout le temps du travail, un « flux de dossiers ». Cependant trop de dossiers conduit à des retards et une surcharge de travail. Il faut doser. D’autant qu’il y a des dates butoirs que la procédure nous rappelle (deux mois pour un recours contre un acte administratif). De plus qui dit clients, dit consultations juridiques. Il faut alors les prévoir en accord avec les impératifs de la procédure. Je ne connais pas beaucoup d’avocats aux 35 heures, ça tourne plutôt autour de 40, 45 heures. Chacun peut organiser ses journées comme il le souhaite, traiter le nombre de dossiers qu’il veut. Contrairement à un professeur on est libre d’organiser notre agenda. La seule règle est plus on travaille, plus on traite de dossiers.
Un avocat peut être collaborateur ou associé. Quelle est la différence ?
Un collaborateur passe un contrat avec un cabinet ou un avocat seul. Il traite des dossiers donnés à traiter par l’avocat avec lequel il a contracté. Le collaborateur est sous la responsabilité d’un autre avocat. Il doit d’abord se consacrer aux dossiers transmis par son responsable mais il peut également travailler sur des dossiers personnels sur son temps libre. Ensuite, on peut s’associer en interne dans le cabinet où l’on est collaborateur ou en saisissant une opportunité externe. On peut aussi s’installer seul pour son propre compte. J’ai été quatre ans collaborateur avant d’être associé. Quand on est collaborateur on n’a pas la pression financière car on a une rétrocession d’honoraires (plus les dossiers personnels potentiels), c’est l’associé duquel on dépend qui va chercher les dossiers, les clients. Quand il y a du flux de dossiers on n’a pas trop à s’inquiéter. On peut partir en vacances tranquille. Si un client a un problème en plein mois de juillet alors que l’on est en vacances, le client appelle l’associé.
Cependant, on est moins libre en tant que collaborateur ; on est censé travailler au cabinet, c’est libéral mais le collaborateur ne peut pas organiser son temps. Ca peut être assez pesant, c’est un des éléments qui m’a poussé à devenir associé.
Vous avez fait un doctorat, pourquoi ce choix? Est ce un plus en tant qu’avocat?
J’ai fait un doctorat dans l’espoir de devenir professeur. A la n de mon DEA, j’ai obtenu une bourse pour préparer une thèse. Mon doctorat terminé, je n’ai pas été recruté en tant que professeur. Je suis alors rentré à l’école des avocats, laquelle est ouverte sans concours pour les docteurs en droit. Je suis en quelque sorte devenu avocat par défaut.
Je déconseille à un étudiant qui souhaite devenir avocat de passer par la thèse d’abord. D’une part cela n’apporte pas énormément dans le métier d’avocat. D’autre part le doctorat formate dans un style qui n’est pas celui qui n’est pas celui d’un avocat.
Selon vous, quelle est la personnalité d’un avocat?
Le métier d’avocat est très varié et peut avoir plusieurs formes. Il n’y a donc pas une personnalité requise. Un timide pourra devenir avocat, car certains avocats n’ont pas une activité plaidante. Quelqu’un qui a un mauvais relationnel pourra rester collaborateur et ainsi ne pas avoir à démarcher des clients. Cependant il est essentiel qu’un avocat inspire confiance. Il doit savoir se vendre. Certaines qualités dépassent la simple bonne compétence juridique.
Un avocat doit être organisé, être un bon juriste qui maitrise le droit et comprend les textes Il a un bon sens humain pour savoir aider les clients. La valeur ajoutée selon moi, c’est sa curiosité. Un avocat doit être curieux de l’actualité, s’intéresser à ses dossiers au delà de l’aspect juridique. La curiosité permet de sortir un peu des « codes rouges » pour mieux comprendre un problème.
Les responsabilités, le stress, est-ce grisant ou pesant?
Oui, le métier d’avocat est stressant. Oui il est éprouvant. Il y a son propre stress et le stress de ses clients à gérer. Le droit est compliqué, les clients vous font confiance, il ne faut pas passer à côté de quelque chose, manquer un délai. En tant qu’associé, on ajoute le stress du fonctionnement de l’entreprise, il faut faire tourner le cabinet, trouver du travail. Ce n’est pas un métier facile.
Par contre la satisfaction est grande et agréable quand on sort quelqu’un de ses problèmes. Le stress sort au moment où l’on a une belle décision de justice ou il est écrit noir sur blanc que l’on a raison depuis le début.
Quelle est la place de votre métier dans votre vie?
Le métier a une place importante c’est indéniable. Par exemple je consulte mes mails en vacances et tous les jours. Il est cependant possible de garder du temps pour soi. J’ai des collègues qui font du sport. Et on peut avoir une vie de famille.
Selon vous, le métier d’avocat est il valorisant?
Être avocat, c’est socialement reconnu. Bien que moins prestigieux qu’il y a quelques années, être avocat reste valorisant. L’avocat possède une certaine légitimité quand au conseil juridique qu’il prodigue. Savoir que l’on est écouté, que sa parole a de la valeur, c’est valorisant.
Avocat est-il un métier qui s’exerce avec passion?

Si il n’y a pas de passion, on arrête. Ce que je fais me passionne. Bien sûr, il y a des dossiers moins intéressants que d’autres, c’est pourquoi avoir la possibilité de choisir entre les dossiers est intéressant.
Pouvez vous donner deux avantages et deux inconvénients de la profession d’avocat, selon vous?
Je dirais que c’est un métier intellectuellement épanouissant et valorisant. En revanche c’est un métier stressant car on engage les autres si l’on fait des erreurs et c’est un métier chronophage.