© Photographie par Alex Berlin sur Pixabay. Grand monument Mansudae, à Pyongyang, Représentation de Kim Jong Sung à gauche et Kim Jong Il à droite
Un article par Alexandre Guricolas le 27 octobre 2020
Le 15 avril dernier, la Corée du Nord célébrait le 108e anniversaire du fondateur du régime nord-coréen, Kim Il-Sung. Cette date est hautement symbolique pour le pays mais elle a été marquée cette année par l’absence du dirigeant Kim Jong-Un. Très vite beaucoup de questionnements sont apparus sur l’état de santé du dictateur. En effet, Kim Jong-Un n’était pas apparu en public depuis le 11 avril dernier. Selon l’agence de presse Reuters, des experts médicaux venant de Chine aurait été envoyés auprès du dictateur. Le site d’information TMZ annonçait même la mort du dirigeant dans la soirée du 25 avril. C’est finalement quelques jours plus tard que Kim Kong-Un est réapparu publiquement sans donner plus d’informations sur la raison de son absence.
La mort d’un dirigeant en Corée du Nord suit un protocole précis. L’annonce du décès d’un dirigeant n’est faite que quelques heures voire quelques jours après le décès. Le deuil national est ensuite décrété suivi d’une grande cérémonie.
Pour la succession, il est très difficile d’imaginer un dirigeant extérieur à la famille Kim
Pour la succession, il est très difficile d’imaginer un dirigeant extérieur à la famille Kim. En effet, la Corée du Nord applique une idéologie et mythologie propre à leur pays : on appelle cette lignée de dirigeant la lignée du sang du Mont Paektu. Ce mont est sacré pour les coréens car il est considéré comme le berceau de leur peuple et le lieu de naissance de Tangun, figure de la mythologie coréenne qui a fondé le royaume coréen.
La famille Kim appartiendrait à cette lignée du sang Mont Paektu. Cette position leur donne une certaine légitimité dans la détention du pouvoir.
La dynastie Kim :
- 8 février 1948 – 8 juillet 1994 : Kim II-sung
- 24 décembre 1991 – 17 décembre 2011 : Kim Jong-il
- 17 décembre 2011 – Aujourd’hui : Kim Jong-Un
Il est très compliqué de mettre un nom sur le futur dictateur mais une chose est quasiment certaine, le régime est dynastique.
Il est très compliqué de mettre un nom sur le futur dictateur mais une chose est quasiment certaine, le régime est dynastique. Par conséquent, le successeur serait nécessairement quelqu’un de la famille Kim. En 2017, les services de renseignements sud-coréens affirmaient que Kim Jong-Un serait le père de plusieurs enfants, un fils de dix ans et de deux filles de sept et quatre ans. Ces derniers sont élevés en secret dans le but de protéger un éventuel successeur. Il est donc très probable que ce fils dissimulé se place à la tête du régime. Néanmoins, dans le cas d’une mort imminente du dirigeant il est difficile de placer un enfant de 10 ans à sa succession.
Il pourrait donc être nécessaire de trouver un autre candidat au poste afin d’assurer la relève. Son demi-frère Kim Jong-Nam a été assassiné en 2017. Cet assassinat suscite toujours de nombreuses interrogations. Kim Jong-Nam vivait en exil et était un grand critique du régime de la Corée du Nord. Lorsqu’il attendait son avion à Macao, une femme s’est glissée derrière lui pour lui plaquer un tissu sur le visage. Il décéda vingt minutes plus tard. L’enquête relèvera que le tissu était imbibé d’un agent neurotoxique classé comme arme de destruction massive, le VX.
La Corée du Sud affirme que l’ordre d’assassinat émane de Kim Jong-Un. La famille de Kim Jong-Nam vit toujours en exil et ne souhaite pas donner sa position dans la crainte que Kim Ham-Sol, fils du défunt, soit le prochain visé. Aujourd’hui le commanditaire de l’attaque n’a toujours pas été trouvé même si de grands doutes subsistent quant à l’implication de la Corée du Nord dans cet assassinat.
Quant à son frère Kim Jong-Chol, il se tient loin de la vie politique du pays. Néanmoins, un nom est régulièrement sorti dans les médias, celui de sa sœur Kim Yo-Jong. En effet, elle se trouve régulièrement à proximité du dirigeant et s’occupe de la plupart de ses déplacements ce qui montre la confiance qu’il lui accorde. Le 9 février 2018, alors que les tensions entre Washington et Pyongyang inquiètent la communauté internationale, Kim Yo-Jung est envoyé par son frère pour la cérémonie d’inauguration des jeux olympiques d’hiver. Cette venue a surpris bon nombre de personnes que ce soit les américains comme les sud-coréens car la cérémonie a eu lieu à Pyeongchang en Corée du Sud.
C’est la première fois qu’un membre de la dynastie Kim foule le sol Sud-Coréen depuis la guerre de Corée
C’est la première fois qu’un membre de la dynastie Kim foule le sol Sud-Coréen depuis la guerre de Corée, c’est à dire depuis 1953. Cette visite montre la volonté de Kim Yo-Jong d’ouvrir son pays vers le monde, mais les sud-coréens sont très sceptiques sur la portée de cette visite car la Corée du Nord a réalisé trois essais nucléaires en deux ans. Est-ce donc un pas vers la paix ou tout simplement un jeu diplomatique ? Si ses intentions sont sincères, il est possible qu’en tant que dirigeante une politique semblable soit mise en place par Kim Yo-Jong. Une chose est sûre, Kim Yo-Jong est la première de la famille à faire un aussi grand pas en avant vers la Corée du Sud.
Mais lors d’une interview réalisé par le journal Ouest France, le spécialiste sur la Corée du Nord Antoine Bondaz amène une limite à ce scénario qu’il considère comme « peu probable ». De plus, il souligne que sa position de femme serait un « handicap, ça reste un pays avec un fond culturel et sociétal très machiste et patriarcal. Il n’y a pas d’exemple de femme à un poste à hautes responsabilités ».
Contrairement aux autres successions que le régime a connu, une mort soudaine de Kim Jong-Un serait un choc pour le pays, d’autant plus qu’aucun plan de succession n’a été évoqué. Si le dictateur venait à disparaître, il laisserait derrière lui un pays devant faire face à des pressions internationales très fortes, une situation économique difficile et un pays en proie à une situation de pandémie avec le Coronavirus. En effet, la politique de course à l’armement qu’effectue la Corée du Nord ne facilite pas le bon entretien de ses relations internationales.
Si la mort du dirigeant survenait aujourd’hui, cela entraînerait le pays dans une situation politique instable aussi bien à l’échelle internationale qu’à l’échelle nationale.
Le pays ne communiquant quasiment pas sur l’organisation du régime il est difficile d’imaginer des perspectives de succession, mais il est fort probable que les problèmes de santé du dictateur aient permis au gouvernement nord-coréen de réfléchir à la Corée du Nord sans Kim Jong Un.